Margrève Jonathan

Le Tribolèdje à Malmedy

Située à l’est de la Belgique, au cœur de l’Ardenne belge, la ville de Malmedy est réputée pour ses traditions et son folklore. Toute l’année, plusieurs manifestations égayent les rues de la cité : la Nuit de Mai, l’Omelette géante, la Fête de la Saint-Martin ou encore le célèbre Carnaval de Malmedy, le Cwarmê… Il existe aussi d’autres traditions plus discrètes, moins connues du grand public, chères au cœur des Malmédiens. L’une de ces traditions porte le nom de Tribolèdje.

Le Tribolèdje se déroule chaque année le dimanche le plus proche du 10 octobre, jour de la Saint-Géréon. À cette période, une douzaine de personnes, faisant partie de la société musicale La Malmédienne, se réunissent au pied de la Cathédrale de Malmedy et montent au sommet de la tour Est de l’église afin de sonner les cloches en l’honneur de saint Géréon. Ces sonneurs de cloches se nomment triboleurs en wallon, ou carillonneurs en français.

Cette coutume, qui est bien présente en Allemagne et qu’on retrouve aussi à Eupen et à Verviers, existe à Malmedy depuis au moins deux siècles. En effet, on sait que le Tribolèdje était déjà pratiqué dans le clocher de l’ancienne l’église Saint-Géréon détruite en 1822. De plus, une comptine bien connue des Malmédiens évoque cette pratique du Tribolèdje dans cette église aujourd’hui disparue. C’est d’ailleurs cette mélodie qui est jouée par les triboleurs au sommet de la Cathédrale de Malmedy aujourd’hui :

Bing èt bong à Sint Djèrion,
(bin et bong [sons de cloche] à Saint-Géréon [église])

Nos n’nirans po lu p’tit pont
(Nous irons par le petit pont)

Et nos r’vinrans po l’grand pont
(Et nous reviendrons par le grand pont)

Bong, bong !

Découverte de la coutume

Le dimanche 12 octobre 2014, j’ai eu l’occasion d’accompagner les triboleurs malmédiens pour découvrir cette tradition séculaire… Au sommet de la tour Est de la Cathédrale de Malmedy, là où se trouvent les plus grosses cloches, le groupe sort le matériel indispensable à la pratique du Tribolèdje : des cordes, des gants et des casques anti-bruit.

Dans le clocher, on dénombre quatre cloches : une énorme cloche de trois tonnes, appelée le bourdon et située au centre, et trois cloches moyennes sur les côtés. Le plan ci-contre présente la disposition des cloches dans la tour.

Un des membres de l’équipe se détache du groupe et attache deux cordes au battant des cloches A et B (voir plan). C’est cette personne qui va donner le rythme de ce « carillonnage » manuel. Une autre personne attache une corde à la dernière des trois cloches moyennes et un troisième intervenant se relie au bourdon central. Aux environs d’onze heures du matin, juste après la messe dominicale, les triboleurs entament la mélodie du Tribolèdje.

Le meneur, équipé de son casque anti-bruit et de ses gants, se place entre les cloches A et B, et saisit chacune des cordes. Il entame alors la première volée en faisant sonner les cloches tour à tour dans un ordre bien déterminé. Les deux autres triboleurs activent leur cloche à un moment bien précis.

Plusieurs salves ont lieu et les rôles sont échangés toutes les dix minutes pour permettre aux triboleurs de reprendre leur souffle. La difficulté principale est de contrôler le retour du battant pour éviter qu’il n’aille frapper le flanc opposé de la cloche.

Au fur et à mesure des répétitions, la mélodie s’accélère et chaque triboleur tente de suivre le rythme du meneur… À l’extérieur, la mélodie résonne dans toute la ville, presque dans l’indifférence générale… Seuls quelques Malmédiens s’attardent au pied de la Cathédrale pour écouter cette comptine qu’ils connaissent bien.

Aux alentours de midi, les triboleurs redescendent un à un de leur tour et se réunissent au pied de la Cathédrale de Malmedy, essoufflés, fatigués mais heureux d’avoir perpétué une fois de plus la tradition du Tribolèdje à Malmedy.

Photos du Tribolèdje 2014 à Malmedy (G. Kornwolf)