Ce travail est un outil de vulgarisation destiné à mettre en lumière deux points de vue portant sur la problématique suivante:
Les jeux vidéo violents suscitent-ils un changement de personnalité chez le joueur régulier?
Celle-ci a été soumise à deux scientifiques dont les travaux sont proches du sujet en question. Le premier est Pascal Minotte, Psychothérapeute, Chercheur au CRéSaM de Namur et Spécialiste dans les comportements liés aux jeux vidéo. Le second est Jean-Marie Gauthier, Pédopsychiatre, Docteur en psychologie clinique et Chef de service à l’unité pédopsychiatrique du CHR de la Citadelle à Liège. Ceux-ci nous donnent leur avis sur cette thématique qui alimente le débat au sein de la communauté scientifique depuis une vingtaine d'années.
Columbine, 20 avril 1999. Eric Harris et Dylan Klebold tuent douze étudiants et un professeur dans une école secondaire. Ils blessent également vingt-quatre autres adolescents. Une des raisons possibles de ce massacre, outre la psychopathie et la dépression, est la suivante : les deux tireurs jouaient à des FPS1 tels que Doom ou Wolfenstein 3D. Très vite, les jeux vidéo sont mis en cause. S'il a marqué un tournant, cet événement n'est pourtant pas à l'origine du débat sur les jeux vidéo.
Dans les années 60-70, on appréhendait le jeu vidéo comme un passe-temps et comme un effet de mode qui ne durerait pas. Plus tard, dans les années 80, on voit apparaître l’une des premières formes de discours sur le jeu vidéo, celui de type médical. On parlera du jeu vidéo comme d’une épidémie, d'un « mal » avec plusieurs « symptômes ». Cependant, on ne remet pas en cause le jeu vidéo en tant que tel, on ne se demande pas encore s'il a des effets positifs ou négatifs, et on se dit simplement qu'il constitue un loisir agréable (même si l'on retrouve déjà des questions relatives à l'épilepsie ou au mal de tête).
Tout change au début des années 90. Le ton se durcit et devient beaucoup plus négatif. La cause première est la création de nouveaux genres vidéo-ludiques comme le FPS et le jeu de combat. Ce dernier existait déjà à la fin des années 80 avec Street Fighter. Mais, quand en 1992 les « fatalities2 » du jeu Mortal Kombat sont présentées au grand public plusieurs voix vont s'élever contre ce jeu aux scènes ultra-violentes et le discours lié à la violence dans les jeux vidéo va prendre de plus en plus d'ampleur. Un problème se pose alors : la presse généraliste ne possède pas de spécialistes pour traiter de la question. Les journalistes vont donc interroger des psychologues, particulièrement intéressés par la problématique des effets sur les joueurs.
L'évènement qui va cristalliser cette problématique est la fusillade de Columbine. Le jeu vidéo est alors remis en cause dans le monde entier. Aux Etats-Unis, certaines familles de victimes intentent des procès aux compagnies de jeux qu'elles tiennent pour responsables de la folie des deux adolescents meurtriers. En France, la Ligue des Familles tente de faire interdire des jeux comme Doom et Mortal Kombat. S'en suivent des articles sur les effets potentiels de la violence des jeux vidéo sur les joueurs et la présence quasi-systématique des mêmes psychologues sur les plateaux télévisés.
En parallèle à la question de la violence, une autre thématique voit le jour : celle de l'addiction. Elle émerge presqu'au même moment car le problème des personnes dites « accros » semble lié aux effets potentiels de la violence dans les jeux vidéo. Cette question sera rapidement liée à toutes sortes d’études qui traitent déjà de l'addiction, notamment sur Internet. Du coup, tous les jeux en ligne se verront liés aux recherches existantes. Les discours sur la violence et l'addiction ne vont faire que se renforcer au fil du temps. Ainsi, dans la presse, le discours sur la violence dans les jeux vidéo déborde souvent sur l'addiction, et vice-versa.
Aujourd'hui, ce double discours sur la violence et l'addiction est toujours présent. Néanmoins, depuis quelques années, on traite également du jeu vidéo comme d’un objet culturel, artistique ou encore patrimonial. Les propos sont donc plus nuancés. De manière générale, les psychologues s'accordent sur le fait que le jeu vidéo peut potentiellement rendre accro et violent, mais cela reste lié à un autre problème pathologique plus profond. Le jeu ne serait qu'un symptôme de cette pathologie. La population actuelle est aussi moins hostile aux jeux vidéo, tout simplement parce qu’elle a grandi avec eux. De nos jours, beaucoup d’enfants jouent avec des jeux pour adultes, et ne respectent pas les normes PEGI3. Sommes-nous trop conciliants avec le jeu vidéo ?
Article écrit suite à un entretien réalisé avec Julie Delbouille, Doctorante en psychologie à l'Université de Liège.
1 First Person Shooter : Jeu de Tir à la première personne.
2 Chaque personnage du jeu possède différentes façons de tuer son opposant pour mettre fin à un combat. Elles sont assez violentes et sanglantes.
3 La Pan-European Game Information est un système d’information européen sur les jeux vidéo qui permet aux parents d'avoir un avis d'expert sur le contenu proposé aux jeunes.